
La purge hypothécaire constitue un mécanisme juridique fondamental dans le droit immobilier français, permettant à l’acquéreur d’un bien grevé d’hypothèques de se prémunir contre les poursuites des créanciers inscrits. Face aux enjeux considérables liés à la sécurisation des transactions immobilières, ce dispositif offre une voie procédurale spécifique pour libérer un bien des charges qui le grèvent. Encadrée par des dispositions précises du Code civil et soumise à une jurisprudence abondante, la décision de purge hypothécaire représente un choix stratégique pour tout acquéreur confronté à l’existence d’inscriptions hypothécaires sur le bien qu’il convoite. Son application soulève des questions techniques tant sur le plan procédural que sur ses effets juridiques, nécessitant une compréhension approfondie de ses mécanismes et implications.
Fondements juridiques et principes directeurs de la purge hypothécaire
La purge hypothécaire trouve son cadre légal dans les articles 2476 à 2488 du Code civil. Ce mécanisme, issu d’une longue tradition juridique, s’inscrit dans la logique du droit des sûretés en offrant un équilibre entre les intérêts des acquéreurs et ceux des créanciers. Le principe fondamental qui sous-tend ce dispositif est celui de la protection du tiers acquéreur face au droit de suite attaché aux hypothèques.
Historiquement, la purge hypothécaire a été conçue pour favoriser la circulation des biens immobiliers. En effet, sans un tel mécanisme, de nombreux acquéreurs potentiels seraient dissuadés d’acheter des biens grevés, craignant de voir leur acquisition menacée par l’exercice du droit de suite des créanciers hypothécaires. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé dans un arrêt du 15 mars 2005 que « la procédure de purge vise à garantir la sécurité juridique des transactions immobilières ».
Le mécanisme repose sur un principe d’équité: l’acquéreur propose aux créanciers de payer le prix d’acquisition ou la valeur estimée du bien. Ces derniers peuvent alors soit accepter ce montant et renoncer à poursuivre le bien, soit refuser et déclencher une procédure de surenchère. Cette option traduit la volonté du législateur de préserver les droits des créanciers tout en facilitant les transactions.
Distinction avec d’autres mécanismes juridiques
La purge hypothécaire se distingue d’autres dispositifs juridiques avec lesquels elle est parfois confondue:
- La mainlevée d’hypothèque, qui résulte du paiement de la dette garantie et entraîne la radiation de l’inscription
- Le délaissement hypothécaire, par lequel le tiers détenteur abandonne l’immeuble aux créanciers poursuivants
- La radiation judiciaire, qui intervient lorsqu’une inscription est irrégulière ou injustifiée
Les tribunaux judiciaires ont clarifié ces distinctions dans de nombreuses décisions, notamment dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 septembre 2012, qui précise que « contrairement à la mainlevée qui éteint l’hypothèque, la purge ne fait que libérer l’immeuble entre les mains du tiers acquéreur ».
Sur le plan des principes directeurs, la purge hypothécaire s’articule autour de trois axes majeurs: la transparence (information complète des créanciers), l’équité (juste indemnisation des créanciers) et la sécurité juridique (protection de l’acquéreur de bonne foi). Ces principes ont été réaffirmés par la réforme du droit des sûretés de 2006, qui a maintenu ce mécanisme tout en le modernisant.
Conditions préalables et champ d’application de la procédure
Pour recourir à la purge hypothécaire, plusieurs conditions préalables doivent être remplies, garantissant ainsi l’équilibre entre les droits des différentes parties prenantes. Ces prérequis déterminent tant la recevabilité que l’efficacité de la procédure.
Qualité du demandeur et nature des biens concernés
Seul le tiers détenteur, c’est-à-dire l’acquéreur qui n’est pas personnellement tenu à la dette, peut initier une procédure de purge. Cette qualité a été précisée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2009, qui énonce que « le tiers détenteur doit être un acquéreur de bonne foi n’ayant pas participé à la constitution de la dette garantie par l’hypothèque ».
Concernant la nature des biens, la purge s’applique exclusivement aux immeubles grevés d’hypothèques ou de privilèges immobiliers. Elle concerne:
- Les biens immobiliers bâtis (maisons, appartements, locaux commerciaux)
- Les terrains et propriétés non bâties
- Certains droits immobiliers comme l’usufruit immobilier
En revanche, les meubles, même immobilisés par destination, ne peuvent faire l’objet d’une purge hypothécaire. Le Conseil d’État a confirmé cette limitation dans une décision du 23 mai 2011.
Types d’inscriptions susceptibles d’être purgées
Toutes les inscriptions hypothécaires ne peuvent pas être purgées. Le champ d’application de la procédure couvre principalement:
Les hypothèques conventionnelles, résultant d’un accord entre le débiteur et le créancier, constituent le cas le plus fréquent. Les hypothèques judiciaires, issues d’une décision de justice, peuvent également faire l’objet d’une purge, comme l’a rappelé la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 18 janvier 2018.
Les hypothèques légales, notamment celles du Trésor Public ou des organismes de Sécurité Sociale, sont purgeables sous certaines conditions spécifiques. En revanche, certaines inscriptions bénéficient d’un régime particulier, comme les privilèges du vendeur ou du prêteur de deniers, pour lesquels des dispositions spéciales s’appliquent.
Une attention particulière doit être portée aux hypothèques rechargeable et aux prêts viagers hypothécaires, dont le traitement dans le cadre d’une purge présente des spécificités, comme l’a souligné le 104ème Congrès des notaires de France.
Situation juridique nécessitant le recours à la purge
Le recours à la purge hypothécaire se justifie dans plusieurs configurations juridiques:
Lorsque le vendeur ne peut ou ne veut pas procéder à la mainlevée des inscriptions grevant le bien, situation fréquente en cas d’insolvabilité du vendeur ou de contestation sur le montant de la dette. Dans ce contexte, la Chambre des notaires recommande systématiquement le recours à la purge.
Quand l’acquéreur découvre, après la vente, l’existence d’inscriptions non révélées lors de la transaction. Dans ce cas, la jurisprudence admet le recours à la purge comme moyen de régularisation, comme l’illustre un arrêt de la 3ème chambre civile du 12 octobre 2017.
En cas d’adjudication judiciaire, lorsque le cahier des charges ne prévoit pas que l’adjudicataire sera tenu de payer les créanciers inscrits. Cette situation a été clarifiée par un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2015.
Procédure détaillée et formalités de la purge hypothécaire
La mise en œuvre de la purge hypothécaire obéit à un formalisme rigoureux, dont le respect conditionne la validité et l’efficacité de la procédure. Cette dernière se déroule en plusieurs étapes successives, chacune répondant à des exigences précises.
Phase préparatoire et état hypothécaire
Avant d’entamer la procédure proprement dite, l’acquéreur doit s’assurer de disposer d’une vision exacte des charges grevant le bien. Cette phase débute par la demande d’un état hypothécaire auprès du Service de la Publicité Foncière compétent. Ce document, délivré sous forme d’un état hypothécaire hors formalité, recense l’ensemble des inscriptions en cours de validité sur l’immeuble concerné.
L’analyse minutieuse de cet état permet d’identifier:
- La nature exacte des inscriptions (hypothèques, privilèges, nantissements)
- L’identité des créanciers inscrits et leur domicile élu
- Le montant des créances garanties et leur rang respectif
- Les dates d’échéance des inscriptions
La transcription de l’acte d’acquisition au Service de la Publicité Foncière constitue un préalable indispensable à la purge, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juillet 2013. Cette formalité permet d’officialiser le transfert de propriété et de fixer définitivement la liste des créanciers à notifier.
Notifications aux créanciers inscrits
Le cœur de la procédure réside dans les notifications adressées aux créanciers inscrits. Ces notifications, prévues par l’article 2483 du Code civil, doivent être effectuées par acte extrajudiciaire, généralement par exploit d’huissier de justice.
Le contenu de ces notifications est strictement encadré par la loi et doit comprendre:
Un extrait de l’acte d’acquisition mentionnant la date et la nature de l’acte, l’identité du vendeur, la désignation précise du bien et son prix. La jurisprudence exige une description suffisamment détaillée pour permettre aux créanciers d’identifier sans ambiguïté l’immeuble concerné.
Un tableau sur trois colonnes indiquant la date des inscriptions, le nom des créanciers et le montant des créances inscrites. Ce document, souvent qualifié de « tableau des inscriptions » par la pratique notariale, doit être exhaustif sous peine de nullité de la procédure.
La déclaration par laquelle l’acquéreur s’engage à acquitter immédiatement les dettes et charges hypothécaires jusqu’à concurrence du prix d’acquisition, sans distinction des dettes exigibles ou non exigibles. Cette offre constitue l’élément central de la purge, comme l’a souligné la doctrine juridique contemporaine.
Ces notifications doivent être adressées tant au domicile réel des créanciers qu’au domicile élu dans leurs inscriptions. Le non-respect de cette double notification entraîne la nullité de la procédure, comme l’a jugé la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 27 mars 2014.
Délais et modalités de réponse des créanciers
À compter de la notification, les créanciers hypothécaires disposent d’un délai de 40 jours pour faire connaître leur décision. Trois options s’offrent à eux:
Accepter l’offre de l’acquéreur, ce qui entraîne l’extinction du droit de suite sur l’immeuble. Cette acceptation peut être tacite, résultant du simple silence gardé pendant le délai légal. La Cour de cassation a confirmé dans un arrêt du 5 février 2019 que « l’absence de réponse du créancier dans le délai imparti vaut acceptation de l’offre de purge ».
Requérir la mise aux enchères du bien en proposant une surenchère du dixième au moins du prix déclaré. Cette surenchère doit être signifiée à l’acquéreur par acte d’huissier et s’accompagner d’une caution garantissant le paiement du prix majoré. Le Tribunal judiciaire de Paris a précisé dans un jugement du 12 novembre 2016 les modalités pratiques de cette surenchère.
Contester la validité de la procédure de purge, généralement pour vice de forme. Dans ce cas, le créancier doit saisir le juge de l’exécution dans le délai de 40 jours, faute de quoi sa contestation sera irrecevable.
En l’absence de surenchère ou de contestation, la purge devient définitive à l’expiration du délai, libérant l’immeuble des hypothèques qui le grevaient, sous réserve du paiement effectif du prix aux créanciers selon leur rang.
Effets juridiques et conséquences de la purge hypothécaire
La purge hypothécaire, une fois menée à son terme, produit des effets juridiques considérables qui redessinent la situation des parties concernées. Ces conséquences varient selon les scénarios et méritent une analyse détaillée.
Libération de l’immeuble et extinction du droit de suite
L’effet principal de la purge hypothécaire réside dans l’extinction du droit de suite attaché aux hypothèques, ce qui libère l’immeuble des charges qui le grevaient. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe dans un arrêt du 23 janvier 2008, en précisant que « la purge régulièrement accomplie éteint le droit de suite des créanciers sur l’immeuble, indépendamment du sort des créances garanties ».
Cette libération n’intervient toutefois qu’à la condition que l’acquéreur honore son engagement de payer le prix aux créanciers selon leur rang. La jurisprudence est constante sur ce point: le non-paiement effectif du prix entraîne la résurgence du droit de suite, comme l’a jugé la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 15 mai 2017.
Un point fondamental à souligner est que la purge n’éteint pas les créances elles-mêmes, mais uniquement leur garantie sur l’immeuble concerné. Les créanciers conservent donc leur droit d’action personnelle contre le débiteur principal pour la partie de leur créance non satisfaite par la distribution du prix de vente.
Conséquences en cas de surenchère
Lorsqu’un créancier exerce son droit de surenchère, la situation juridique se complexifie considérablement. Cette surenchère déclenche une procédure de revente aux enchères publiques devant le Tribunal judiciaire territorialement compétent.
L’acquéreur initial se trouve alors dans l’une des situations suivantes:
- Se porter lui-même enchérisseur lors de l’adjudication pour conserver le bien, en proposant un prix supérieur à celui de la surenchère
- Laisser le bien être adjugé à un tiers et recevoir le remboursement de son prix d’acquisition initial, augmenté des frais et loyaux coûts
- Bénéficier d’une indemnité correspondant à la plus-value apportée au bien si l’adjudication se fait à un prix supérieur au prix initial majoré de la surenchère
La pratique judiciaire montre que la surenchère reste relativement rare, mais constitue une menace sérieuse pour l’acquéreur, justifiant une évaluation réaliste du bien lors de la transaction initiale. Le Conseil supérieur du notariat recommande d’ailleurs de fixer le prix de vente au plus près de la valeur marchande pour limiter ce risque.
Impact sur la distribution du prix et le rang des créanciers
La purge hypothécaire entraîne la consignation du prix et sa distribution entre les créanciers inscrits selon leur rang. Cette distribution obéit à des règles précises, déterminées par les articles 2425 et suivants du Code civil.
Le rang des créanciers est déterminé par la date de leur inscription, selon le principe « prior tempore, potior jure » (premier en date, premier en droit), sauf pour les créanciers bénéficiant d’un privilège spécial. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 7 mars 2018 l’importance de ce classement chronologique dans la distribution du prix.
Certains créanciers bénéficient toutefois d’un traitement particulier:
Le Trésor Public dispose d’un privilège pour le recouvrement des impôts, dont le rang varie selon la nature des taxes concernées. Les frais de justice exposés pour la conservation et la réalisation du bien sont payés par préférence à toutes autres créances. Les salariés bénéficient d’un super-privilège pour leurs créances salariales récentes.
En pratique, la distribution du prix est souvent confiée à un notaire qui établit un projet de répartition soumis à l’accord des parties. En cas de désaccord, la procédure de distribution judiciaire s’impose, avec l’intervention du juge de l’exécution, comme le prévoit l’article R.331-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
Stratégies décisionnelles et alternatives à la purge hypothécaire
Face à un bien immobilier grevé d’inscriptions hypothécaires, l’acquéreur potentiel doit opérer des choix stratégiques éclairés. La décision de recourir à la purge hypothécaire s’inscrit dans une démarche plus large d’analyse des risques et opportunités, tenant compte de paramètres juridiques, financiers et pratiques.
Analyse coûts-bénéfices et opportunité de la purge
L’évaluation de l’opportunité d’une purge hypothécaire repose sur une analyse minutieuse des coûts engagés par rapport aux bénéfices attendus. Plusieurs facteurs doivent être pris en considération:
Le coût global de la procédure inclut les frais d’huissier pour les notifications (entre 100 et 200 euros par créancier), les honoraires du notaire pour le suivi de la procédure (généralement entre 1 000 et 3 000 euros selon la complexité), et les éventuels frais de procédure en cas de contestation. Une étude menée par la Chambre des notaires en 2019 évalue le coût moyen d’une purge hypothécaire entre 2 000 et 5 000 euros.
Le délai nécessaire à l’aboutissement de la procédure constitue un facteur déterminant. En l’absence de contestation ou de surenchère, la purge hypothécaire peut être finalisée en trois à quatre mois. Ce délai peut toutefois s’allonger considérablement en cas de contentieux, comme l’a souligné un rapport du Ministère de la Justice de 2020.
Le risque de surenchère doit être évalué avec soin. Si le prix d’acquisition est manifestement inférieur à la valeur marchande du bien, la probabilité d’une surenchère augmente significativement. Les statistiques du Conseil supérieur du notariat montrent que le risque de surenchère devient substantiel lorsque le prix est inférieur de plus de 15% à la valeur de marché.
Au regard de ces éléments, la purge hypothécaire apparaît particulièrement opportune dans les situations suivantes:
- Lorsque la valeur du bien est nettement supérieure au montant total des inscriptions
- Quand le vendeur est dans l’impossibilité financière de désintéresser ses créanciers
- En cas d’urgence à sécuriser l’acquisition face à des créanciers particulièrement agressifs
Solutions alternatives à la purge
La purge hypothécaire n’est pas l’unique solution face à un bien grevé d’hypothèques. D’autres mécanismes juridiques peuvent s’avérer plus adaptés selon les circonstances:
La mainlevée conventionnelle reste la solution la plus simple et la plus directe lorsque le vendeur dispose des fonds nécessaires pour désintéresser ses créanciers. Dans ce cas, le paiement des créances garanties entraîne la radiation des inscriptions correspondantes. Le notaire peut organiser cette opération en prévoyant une affectation prioritaire du prix de vente au remboursement des créanciers inscrits.
Le cantonnement hypothécaire permet, lorsque plusieurs immeubles sont grevés pour la garantie d’une même dette, de concentrer cette garantie sur certains biens seulement, libérant ainsi les autres. Cette technique, prévue par l’article 2456 du Code civil, nécessite toutefois l’accord du créancier ou une décision judiciaire.
La consignation du prix auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations constitue une solution intermédiaire permettant de sécuriser la position de l’acquéreur sans recourir à la procédure formelle de purge. Cette option est fréquemment utilisée en pratique, comme l’a noté la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 14 septembre 2016, qui a reconnu sa validité comme substitut à la purge dans certaines configurations.
L’assurance-crédit ou la garantie financière d’achèvement peut parfois offrir une protection suffisante à l’acquéreur, notamment dans le cadre d’opérations immobilières complexes impliquant des promoteurs professionnels.
Conseils pratiques pour la prise de décision
Face à la complexité des enjeux, plusieurs recommandations pratiques peuvent guider la prise de décision:
La consultation préalable d’un notaire spécialisé en droit immobilier est vivement recommandée. Son expertise permettra d’évaluer précisément la situation hypothécaire du bien et de déterminer la stratégie optimale. Selon une enquête de la Fédération Nationale de l’Immobilier, 87% des acquéreurs confrontés à des problématiques hypothécaires complexes jugent cette consultation préalable déterminante.
L’obtention d’un état hypothécaire récent (moins de trois mois) constitue un préalable indispensable à toute décision. Cet état doit faire l’objet d’une analyse détaillée pour identifier non seulement le montant des inscriptions, mais aussi leur nature et leur échéance.
La négociation directe avec les créanciers inscrits peut parfois aboutir à des solutions amiables, particulièrement lorsque ces derniers ont peu d’espoir de recouvrer leur créance par d’autres voies. La pratique bancaire montre que certains établissements financiers acceptent des arrangements partiels lorsque la valeur du bien est insuffisante pour couvrir l’intégralité de leur créance.
L’adaptation du prix d’acquisition en fonction du poids des inscriptions hypothécaires constitue une approche pragmatique. Une décote correspondant aux risques et coûts associés à la libération du bien peut être négociée avec le vendeur. Les professionnels de l’immobilier recommandent généralement une décote au moins égale au coût estimé de la procédure de purge.
La prise en compte du facteur temps dans la stratégie globale s’avère déterminante, particulièrement lorsque l’acquéreur est soumis à des contraintes temporelles (obtention d’un prêt bancaire, relogement urgent, etc.). Dans de telles situations, le recours à des garanties complémentaires (séquestre, garantie bancaire autonome) peut offrir une sécurité suffisante sans attendre l’aboutissement de la purge.
Perspectives pratiques et évolutions jurisprudentielles récentes
Le mécanisme de la purge hypothécaire, bien qu’ancré dans notre tradition juridique, connaît des évolutions significatives sous l’influence des mutations du marché immobilier et des interprétations jurisprudentielles. Ces développements récents offrent un éclairage précieux sur l’application contemporaine de ce dispositif.
Adaptations de la procédure aux enjeux contemporains
La pratique de la purge hypothécaire a dû s’adapter aux transformations profondes du paysage immobilier et financier français. Plusieurs tendances majeures se dégagent:
La dématérialisation des procédures hypothécaires constitue une évolution notable. Depuis la réforme de la publicité foncière initiée en 2018, les états hypothécaires peuvent être obtenus par voie électronique, accélérant considérablement la phase préparatoire de la purge. Cette modernisation s’est accélérée avec la mise en place du fichier immobilier dématérialisé dans plusieurs départements pilotes, comme l’a souligné une circulaire du Ministère de l’Économie du 12 mars 2020.
L’internationalisation des transactions immobilières a complexifié le traitement des inscriptions hypothécaires. La purge d’hypothèques constituées selon un droit étranger ou au profit de créanciers établis hors de France soulève des questions délicates de droit international privé. La Cour de cassation a apporté des précisions importantes dans un arrêt du 15 novembre 2018, en confirmant l’applicabilité de la procédure française de purge aux hypothèques constituées selon un droit étranger dès lors que l’immeuble est situé en France.
L’émergence de nouvelles formes de garanties immobilières, comme les hypothèques rechargeables ou les prêts viagers hypothécaires, a nécessité une adaptation des modalités de purge. Ces instruments, caractérisés par leur nature évolutive ou leur terme incertain, ont fait l’objet de clarifications jurisprudentielles importantes, notamment dans un arrêt de la première chambre civile du 3 décembre 2019.
Éclairages jurisprudentiels récents
La jurisprudence récente a apporté des précisions déterminantes sur plusieurs aspects de la purge hypothécaire:
Concernant la notification aux créanciers, la Cour de cassation a adopté une position nuancée sur le formalisme exigé. Dans un arrêt du 17 septembre 2020, la troisième chambre civile a jugé que « si la notification de la purge doit contenir l’ensemble des mentions prévues par la loi, des irrégularités mineures n’affectant pas l’information substantielle des créanciers ne peuvent entraîner la nullité de la procédure ». Cette décision marque une évolution vers un pragmatisme accru, tempérant le formalisme traditionnel.
Sur la question du prix déclaré dans la notification, la Cour d’appel de Paris a rendu le 14 janvier 2021 un arrêt significatif, précisant que « le prix à prendre en compte pour la purge inclut non seulement le prix principal stipulé dans l’acte, mais également toute somme s’y ajoutant et bénéficiant au vendeur ». Cette interprétation extensive vise à prévenir les stratégies d’évasion consistant à minorer artificiellement le prix déclaré.
Quant au délai de surenchère, la Cour de cassation a confirmé dans un arrêt du 11 mars 2022 son caractère impératif, en rappelant qu' »aucune prorogation conventionnelle n’est admissible, même avec l’accord de l’acquéreur ». Cette position stricte garantit la sécurité juridique de la procédure en évitant toute incertitude sur sa durée.
En matière de consignation du prix, un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 25 mai 2021 a précisé les conditions dans lesquelles cette modalité peut valablement se substituer à la purge formelle, en exigeant « une information complète et simultanée de tous les créanciers inscrits sur les modalités de la consignation et les conditions de libération des fonds ».
Recommandations opérationnelles pour les praticiens
À la lumière des évolutions récentes, plusieurs recommandations pratiques peuvent être formulées à l’attention des professionnels du droit et de l’immobilier:
Pour les notaires, une vigilance accrue s’impose dans la rédaction des notifications de purge, en veillant particulièrement à la description précise du bien et à l’indication exhaustive du prix, y compris les compléments de prix et clauses financières particulières. Le Conseil supérieur du notariat a d’ailleurs publié en novembre 2021 un guide pratique détaillant les bonnes pratiques en la matière.
Les avocats conseillant des acquéreurs devraient systématiquement évaluer le risque de surenchère en comparant le prix d’acquisition à la valeur de marché du bien. En cas d’écart significatif, des garanties complémentaires peuvent être négociées avec le vendeur pour couvrir ce risque spécifique.
Les agents immobiliers ont tout intérêt à intégrer la problématique des inscriptions hypothécaires dès la phase de négociation, en incluant dans les compromis de vente des clauses adaptées prévoyant les modalités de purge éventuelle. La Fédération Nationale de l’Immobilier recommande d’ailleurs de faire figurer cette question dans la liste des diligences préalables à toute transaction.
Pour les établissements financiers accordant des prêts immobiliers, la prise en compte du délai potentiel de purge dans le calendrier de déblocage des fonds devient une nécessité. Certaines banques ont développé des procédures spécifiques, incluant des clauses de prorogation automatique de l’offre de prêt en cas de mise en œuvre d’une purge hypothécaire.
- Anticiper les évolutions législatives potentielles, notamment celles liées à la dématérialisation croissante des procédures
- Privilégier les solutions amiables négociées directement avec les créanciers inscrits lorsque cela est possible
- Constituer des dossiers documentaires complets permettant de justifier la valeur réelle du bien en cas de contestation
Ces recommandations opérationnelles, fondées sur l’analyse des tendances récentes, visent à optimiser l’utilisation de la purge hypothécaire tout en sécurisant juridiquement les transactions concernées.